Introduction: Le réveil du Prince

J'ouvre les yeux: le noir total autour de moi.La terre bouge.
Une musique, une femme qui hurle sur un air violent.
Que se passe-t-il?
Des bribes de souvenirs effleurent mon esprit: une assemblée à mes pieds, tous ces gens sont agenouillés...
Des flashs m'assaillent: Une rencontre avec un prince, une chasse aux lupins dans des égouts, mon étreinte sur une place publique, un crucifix se plante dans mon coeur...
Une place publique?
J'ai entendu dire qu'après un long sommeil, nous confondons songes et réalité.
Qu'y a-t-il de réel dans ces pensées?
Un souvenir; celui-là est bien réel, je le sais...
Ma Dame...
Sa capuche camoufle ses cheveux que je sais noirs, luisants, tels des fils d'onix ondulants.
Ma belle Dame...
Son visage, si doux... Son sourire, un peu coquin, mais si pur, attendrissant, capable de faire plier n'importe quel coeur. Et sa peau... Ah, sa peau, pâle, douce telle un pétale d'une rose cueillie à la fraicheur du matin...
Une créature divine.
Soudain, un son sourd. Sûrement une pelle contre mon cercueil.
Je leur avais dis de m'attendre! Bon, je crois qu'il est l'heure pour moi de découvrir le monde actuel.
Une peur m'envahit. J'ai refusé de l'admettre pendant longtemps, mais aujourd'hui, je sais que je crains d'entrer dans un monde trop différent pour que je le comprenne. Les temps changent, et je me doute qu'il me faudra un lien avec cette époque.
Alors que mon tombeau tangue furieusement, j'ouvre mes sens au monde. Je peux maintenant entendre les battements du coeur des intrus. De plus, je perçois des bruits étranges, sourds, vibrants, des odeurs d'huile brûlée, de nourriture - comment exprimer cela? - différente.
La musique hurlante s'arrête alors que des voix se mettent à prononcer des chants en latins.
Le latin. Je connais biien cette langue. De mon vivant, j'étais l'un des seuls prêtres à officier en latin.
Ces gens au-dessus de moi parlent de résurection du Démon, de siècles sous terres maintenant achevés, de toute puissance dans le monde des mortels, le Monde des Ténèbres...
Désolé mes mignons, la fête est finie.
Mes habits sont vieux, sales et abimés. Qu'importe, l'un d'eux doit être à ma taille.
Je les entends qui dévissent le couvercle. La faim me ronge. Ces quelques minutes me semblent une éternité. Alors qu'ils retirent la 13° vis, la dernière, une question me taraude: dois-je être violent ou sournoi?
Après tout ce temps, je vais jouer un peu.
Le cercueil s'ouvre. J'aperçois de mes yeux à moitié fermés une torche qui m'éblouit, puis se découpe la silhouette d'un homme. Il est encapuchonné, mais alors qu'il me dit de me lever et de prendre place dans ce monde, mes yeux s'habituent et je le vois: un esclave. C'estr un païen qui croit pouvoir devenir mon servant.
Il se penche au-dessus de moi pour me soulever et me sortir de mon lit de mort, mais je tend le bras et l'attire violemment. A moins de 5 centimètres de son visage, je murmure:
- Impie! Tu pensais pouvoir jouer avec un tout-puissant tel que moi?
- Maître! Vous êtes en vie! La légende disait vrai...
Son regard est empli d'une joie qui me surprend, mais je lui rétorque rapidement:
-Je suis mort il y a bien longtemps, esclave.
-Faîtes de moi l'un des ...
Je ne le laisse pas finir sa phrase. Mes crocs se plantent dans son cou. Sa peau noire est tendre comme du beurre au soleil. Son sang, le premier que je goutte depuis des siècles, est sucré, et possède ce petit parfum cuivré qui me plait tant.
Il pousse un gémissement. L'extase du baiser l'envahit alors que je sens l'effet bénéfique de son sang: ma peau reprend une texture humaine, puis la couleur rose pâle d'un nourisson. La mort envahit ma victime. Je la repousse hors du cercueil.
Même si une tension était apparue lorsque je me nourrissais, les chants avaient continué. Mais maintenant, j'entends seulement le coeur de mes futures victimes battre à un rythme endiablé.
Je me redresse alors lentement. J'aperçois l'assemblée qui me contemple: tous enrobés dans leur soutane noire, certains maquillés, leur regard trahissant une certaine appréhension.
-Bonsoir, jeunes gens. Pourquoi m'avez-vous convoqué?
L'un d'eux, grand aux yeux rouges, prend la parole.
-Seigneur, faîtes de nous des vampires. Nous saur...
D'un mouvement fulgurant pour leurs yeux de mortels, je suis face à lui, accroché à sa gorge, le vidant de sa vie.
Un frisson de bien-être me parcourant alors que je ressens la terreur dans le coeur de ses égaux.
Il reste cinq adeptes, plus tremblant les uns que les autres.
Je vais les garder pour mes compagnons.
J'aime jouer avec mes victimes. C'est tellement moins banal qu'une chasse traditionnelle.
-Vous pensiez réellement que réveiller un Démon était sans danger?
Quasi instantanément, je me retrouve face à l'un d'eux.
-Si vous ne nous jugez pas digne de vous servir, nous acceptons de mourir.
-NON ! ! !
Je tourne la tête.
-Je ne suis pas d'accord... Je ne veux pas que ça s'arrête maintenant.
Je frappe celui en face de moi à la nuque, il tombe sous le choc. Puis je m'avance vers celle qui a parlé, d'un mouvement si rapide qu'avec leurs yeux d'humains, ils m'ont simplement vu disparaître puis réapparaître.
Là, face à elle, dans la lueur des torches, ce visage.
Ma Dame..?
Surprise par mon déplacement, elle a un mouvement de recul, mais rapidement elle donne des coups sur mon torse rigide, des larmes coulant de ses yeux.
-Non! Non! Non! Ca ne peut pas s'arrêter ainsi, je ne suis pas venue là pour mourir comme ça. Si j'avais voulu mourir, il y a bien longtemps que je l'aurais fait, mais ce n'est pas la mort que je suis venue chercher dans cette tombe, c'est l'éternité...
Là, elle s'appuie sur moi, secouée par des sanglots.
-Je vous en prie.
Pendant ce temps, les autres regardent, toujours effrayés. Lorsque l'un d'eux commence à partir, détalant comme un lapin, je décide qu'il faut en finir. Repoussant la jeune fille qui s'assome contre un arbre, je mets hors d'état de s'enfuir ses camarades. Il ne me reste plus qu'à déterrer mes compagnons.

Enfin, mon règne va reprendre...

Une ombre portant une jeune fille dans ses bras s'enfonce dans la nuit, entourée de 3 silhouettes.